Dirigeant d’entreprise : votre patrimoine personnel est-il vraiment à l’abri ?
- mmalengreaux8
- 31 mars
- 5 min de lecture

Quand le patrimoine personnel du dirigeant est en danger
Dans une société, les biens de l’entreprise sont distincts de ceux de l’entrepreneur. Cependant, dans certaines situations, le patrimoine personnel de ce dernier peut tout de même être exposé au risque de saisie par les créanciers de son entreprise.
En principe, un administrateur de société bénéficie d’une responsabilité limitée dans une SRL et il n’est à risque qu’à concurrence de son apport. [1]
Toutefois, et malgré certaines précautions (via une assurance de responsabilité), certaines décisions ou engagements du dirigeant peuvent toujours exposer son patrimoine personnel.
Voici quelques situations typiques qui peuvent le mettre à risque :
1. Caution personnelle pour un emprunt bancaire
Une banque exige souvent du dirigeant qu’il se porte caution pour un prêt contracté par sa société. Si l’entreprise ne peut plus rembourser, la banque pourra se retourner directement contre le dirigeant et saisir ses biens privés (comptes bancaires, immobilier, etc.).
Erreur fréquente : Ne pas négocier un cautionnement limité dans le temps ou en montant, et se retrouver responsable de la totalité de la dette.
2. Apport de fonds personnels à la société
Pour éviter une faillite ou renflouer la trésorerie, un dirigeant injecte parfois des fonds personnels sous forme de prêt ou d’augmentation de capital. Si l’entreprise ne se redresse pas, cet argent est perdu, et il n’a aucun droit prioritaire pour se rembourser avant les autres créanciers.
Erreur fréquente : Ne pas rédiger une convention de prêt claire, avec un échéancier et des conditions de remboursement précises ou sans prévoir une alternative pour protéger ses finances personnelles.
3. Engagement personnel pour un bail commercial
Lorsqu’une société loue des locaux commerciaux, le propriétaire peut exiger que le dirigeant se porte garant personnellement du paiement des loyers. Si la société ne peut plus payer, le bailleur peut poursuivre le dirigeant pour récupérer les loyers impayés.
Erreur fréquente : Ne pas négocier une limitation de garantie (ex. : durée limitée à un an de loyers).
4. Redressement fiscal ou dettes sociales en cas de faute de gestion
Si un dirigeant omet de payer la TVA, les impôts ou les cotisations sociales, l’administration fiscale ou l’ONSS peut engager sa responsabilité personnelle. Cela peut aussi arriver s’il est reconnu coupable de faute de gestion ayant aggravé la situation financière de la société.
Erreur fréquente : Croire que seul l’entreprise est responsable et ne pas anticiper les obligations fiscales et sociales.
Séparation des patrimoines : un bouclier contre les créanciers
Face à ses situations classiques, l’anticipation et la structuration du patrimoine personnel restent essentielles pour tout dirigeant exposé aux risques professionnels. Vous trouverez ci-dessous quelques pistes intéressantes à considérer :
1) Choisir la bonne structure juridique
Le choix du type de société est fondamental pour limiter l’exposition personnelle du dirigeant. La différence est effectivement importante entre par exemple la SRL (responsabilité limitée aux apports, sauf en cas de faute de gestion grave), la SNC ou la SCOM (responsabilité illimitée des associés, ce qui expose leur patrimoine personnel) et l’entreprise individuelle (pas de distinction entre les biens privés et professionnels, ce qui est risqué)
Une SRL bien capitalisée est donc préférable pour protéger le dirigeant.
2) Séparer clairement les comptes et transactions et avoir des comptes bancaires distincts pour les opérations privées et professionnelles.
3) Ne faudrait-il pas privilégier le régime matrimonial de séparation des biens ? On évite ainsi de mettre en commun certaines dettes et on sécurise l’avenir de son conjoint et de ses enfants
4) Utiliser des véhicules de protection patrimoniale
· Faire des donations stratégiques à ses enfants ou à son conjoint sous certaines conditions, pour diluer le patrimoine exposé.
· Mettre son bien immobilier en indivision ou en société
· Investir dans une assurance placement (assurance vie). En effet, comme expliqué ci-dessous, il s’agit d’un des moyens les plus efficaces pour un dirigeant d’entreprise de protéger son patrimoine personnel.
Protéger son patrimoine grâce à l’insaisissabilité de l’assurance placement
a) Insaisissabilité pendant la vie de l'assuré et après le décès
En effet, Il existe une protection juridique fondamentale qui empêche les créanciers de saisir certains actifs, même en cas de faillite. Autrement dit, les droits du preneur d’assurance, y compris le droit de rachat, ne peuvent être exercés par ses créanciers et cette insaisissabilité est applicable tant que ces fonds restent dans leur cadre légal (par exemple, un contrat d’assurance-vie non racheté).
Il faut être vigilant aux contrats d’assurance avec une durée déterminée. En effet, si le preneur d’assurance est toujours en vie en fin de contrat, la prestation lui est versée et le créancier pourront éventuellement prendre la main sur les actifs.
Ce type de placement permet donc au dirigeant de mettre une partie de son épargne à l’abri tout en bénéficiant d’un potentiel de rendement intéressant. Il est néanmoins essentiel de bien structurer le contrat. En effet, si un tiers bénéficiaire au contrat a été spécifié en cas de vie ou décès (ex : conjoint du preneur, enfant du preneur…), les créanciers n’auront aucun droit sur le montant versé au bénéficiaire au moment du décès du preneur. Dans ce cas, le tiers bénéficiaire est titulaire d’un droit propre qui est dissocié de son éventuelle vocation successorale en qualité d’héritier ou de légataire. Il peut donc arriver qu’un bénéficiaire renonce à la succession du défunt et sois bénéficiaire d’un contrat d’assurance de ce même défunt.
Toutefois, si c’est la clause bénéficiaire renvoie à la « succession » ou « les héritiers légaux » (qui sont assimilés à la succession), car cela est spécifié comme tel dans le contrat ou à défaut d’autres bénéficiaires, les créanciers pourront éventuellement se servir dans la succession.
La stipulation de la clause bénéficiaire est donc très importante et Il est par exemple important de repousser la « succession » loin dans les bénéficiaires si on veut s’assurer de la protection des avoirs par rapports aux créanciers éventuels.
b) Exceptions à l’insaisissabilité
Les sommes investies dans un contrat d'assurance-vie sont protégées contre les créanciers de l'assuré, sauf si ceux-ci parviennent à démontrer :
Que le bénéficiaire a été désigné à titre gratuit (sans contrepartie de sa part)
Que les versements sont disproportionnés par rapport à la situation financière de l'assuré (certains actes pourraient être sanctionnés au sens de la législation sur les faillites).
Que le débiteur a agi en sachant que cela porterait préjudice au créancier (ex : si le contrat est utilisé pour organiser son insolvabilité)
Si ces éléments peuvent être démontrés, les créanciers peuvent alors engager une action pour récupérer les montants.
Attention, en cas de saisie (conservatoire), le preneur d’assurance qui s’était désigné lui-même comme bénéficiaire en cas de vie ne pourra plus modifier la clause d’un contrat d’assurance-vie et désigner un autre bénéficiaire.
Conclusion
L’anticipation et la structuration du patrimoine personnel restent les clés pour éviter de voir ses biens privés compromis par des difficultés professionnelles. Une stratégie combinant assurance responsabilité, séparation des patrimoines et investissement en assurance placement offre une solution solide pour sécuriser l’avenir financier du dirigeant et de sa famille.
L'insaisissabilité d'un contrat d'assurance-vie est un outil précieux pour protéger son patrimoine des créanciers, à condition de respecter les règles juridiques et fiscales qui l'encadrent. Pour garantir une protection optimale, la rédaction de la clause bénéficiaire doit être précise et adaptée à la situation patrimoniale et familiale.
[1] Toutefois, cette protection ne s’applique pas si la société fait faillite dans les trois ans suivant sa création et que les capitaux propres de départ ou l’apport en capital étaient manifestement insuffisants pour assurer son fonctionnement normal durant deux années. Par ailleurs, il existe une limite de responsabilité de l’administrateur, qui ne s’applique pas dans certains cas (voir Responsabilité des administrateurs et des fondateurs | entreprendre - Notaire.be)




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